Rédigé le 9/08/23

Contrat de franchise : comment apprécier la validité d’une clause de non-concurrence applicable après la fin du contrat ?

En cas de rédaction d’un contrat de franchise ou en cas de rupture d’un contrat de franchise, il est courant de se demander si l’interdiction pour le franchisé de reprendre une activité identique ou similaire (mais en concurrence avec le franchiseur) sera ou a été valablement conclue lors de la signature du contrat.

Outre la question du respect des règles légales relatives à l’obligation d’information précontractuelle, il convient de vérifier la validité de la clause de non-concurrence.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 mai 2023 (Pôle 5, Chambre 4, n° 21/01738) mérite d’être examiné en détail car il se penche sur cette question à l’occasion de rupture d’un contrat de franchise par le franchiseur (contrat concernant un concept de construction de maisons « en prêt à finir : la finition de la maison par le propriétaire lui permet de faire des économies sur le coût global de la construction). Cette analyse est transposable en droit belge.

La clause de non-concurrence était composée de 3 interdictions : interdiction de conclure un contrat de franchise ou de s’affilier à un réseau comparable (c’est-à-dire construction de maisons « en prêt à finir) pendant 1 an en France ; interdiction de créer un réseau concurrent pendant 2 ans en France ; interdiction de poursuivre une activité de construction de maisons individuelles (c’est-à-dire toute construction même ne se limitant pas au « prêt à finir ») pendant 1 an dans le territoire exclusif concédé au franchisé.

Le franchiseur défendait la validité de cette clause en ce qu’elle avait pour objectif d’éviter le détournement de son savoir-faire par un concurrent. Le franchisé revendiquait la nullité de cette clause en ce qu’elle n’était pas limitée à ses locaux.

Pour départager les parties, la Cour d’appel invoque le règlement d’exemption n° 330/2010. Son application n’est pas confirmée dans le cas d’espèce, mais, selon la Cour, il reste un guide d’analyse utile pour interpréter les règles nationales. La Cour dit « que les clauses de non-concurrence post-contractuelles peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d’assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exercice de l’activité … Elles doivent cependant rester proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent … Une clause de non-concurrence, en ce qu’elle porte atteinte à la liberté du commerce, doit être justifiée par les intérêts légitimes de son créancier … et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur, c’est-à-dire être limitée quant à l’activité, l’espace et le lieu qu’elle vise ».

La Cour estime que, dans le cas d’espèce, la clause restreint de manière excessive la liberté d’exercice de la profession du franchisé et outrepasse la protection du savoir-faire du franchiseur par son étendue géographique, sa durée et l’extension de l’activité interdite (toute construction et pas seulement la construction en « prêt à finir »).

Ce qu’il faut retenir de cet arrêt :

1) Les clauses de non-concurrence post-contractuelles peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d’assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exercice de l’activité.

2) Le règlement d’exemption, même si son application n’est pas confirmée dans certains cas (seuils de part de marché non atteints), reste un guide d’analyse utile pour interpréter les règles nationales.

3) La mise au point d’une clause de non-concurrence dans un contrat de franchise doit se faire dans le respect du droit fondamental d’exercer un commerce et une industrie garanti initialement en Belgique et en France par le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 et à ce jour, en Belgique, par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique. Pour rappel, le décret d’Allarde était justifié par la volonté de mettre fin à un régime corporatif sclérosant, la libre entreprise étant noyée sous le poids des réglementations. L’article 23 de la Constitution belge, qui depuis 1994 consacre le libre choix d’une activité professionnelle parmi les droits économiques, sociaux et culturels, peut également être vu comme une manifestation constitutionnelle de la liberté d’entreprendre.

Conclusion

Même si le principe même d’une clause de non-concurrence dans un contrat de franchise est validé par la jurisprudence, il faut faire preuve de prudence en libellant une clause de non-concurrence ; il n’y a pas de modèle de clause de non-concurrence valable pour tous les contrats de franchise ; il faut tenir compte notamment du type d’activité exercée par le franchisé, du savoir-faire protégeable du franchiseur et de la zone d’exclusivité concédée éventuellement au franchisé.

Rappelons aussi les dispositions figurant dans le règlement d’exemption (règlement (UE) 2022/720) et dans les lignes directrices de ce règlement (Lignes directrices sur les restrictions verticales 2022/C 248/01 – C/2022/4238) qui, en tout état de cause, comme le rappelle la Cour de Paris, constituent un guide d’analyse utile pour interpréter les règles nationales si le règlement ne s’applique pas directement à l’activité concernée. Ces dispositions sont reprises dans le document joint au présent commentaire.

Rédigé par : Pierre Demolin

Avocat associé aux Barreaux de Mons et de Paris